Compilation et résumé d'articles divers sur le gothique international

Le gothique international au début du XVeme siècle (entre 1380 et 1450 environ).


Caractères stylistiques

Ses caractères stylistiques dans toute l’Europe atteignent une grande unité de langage artistique, résultat d’échanges innombrables et d’influences réciproques. Le terme renvoie donc à une diffusion à l’échelle européenne.

Il est porté par  un mécénat de cour qui se développe alors (Dijon, Prague, Milan, Paris).

1. Le cérémonial courtois, le rejet aristocratique d’une certaine réalité grossière, se reflètent

  • dans la complexité décorative (de la peinture, de la sculpture, des enluminures),

  • dans la représentation de sentiments (le plus souvent sophistiqués et délicats),

  • dans le lyrisme des figures allongées,

  • dans les formes élégantes aux rythmes linéaires purs et aux brillantes couleurs.

2. Mais, en même temps, il entre dans le Gothique international un souci du détail descriptif et naturaliste (l’atmosphère, les costumes, les objets, les animaux et les types humains sont minutieusement dépeints), et cela pourtant dans le cadre de représentations féériques et irréelles.

Par ailleurs, l’essor économique urbain, dont la bourgeoisie est l’élément moteur, favorise l’émergence d’un mécénat qui n’est plus seulement aristocratique et qui recherche des oeuvres individuelles de petites dimensions (diptyques, petits retables portatifs, statuettes d’albâtre et d’ivoire, orfèvrerie, miniatures, tapisseries) et facilement transportables, ce qui favorise la circulation et les échanges des œuvres d’art et contribue fortement à la diffusion d’un style commun.



Avignon

  • Simone Martini


Avignon, devenu siège papal au XIVeme siècle, diffuse l'art italien avec , entre autres, Simone Martini, peintre siennois, qui y laissa avant 1350 quelques chefs-d’œuvre. Différentes traditions artistiques du Nord et du Sud s'y rencontrèrent, ce qui donna lieu à un échange fécond d’expériences.

Simone Martini a été influencé par la culture humaniste naissante. Ainsi, les enluminures du Virgile de Pétrarque de la Biblioteca Ambrosiana à Milan, ont des tonalités classiques et naturalistes (gestuelle sophistiquée, tissus blancs et délicates figures) :




Prague

  • Maître Théodoric
  • Maître de Trěboň


Sous le règne de Wenceslas, Prague, devenue un haut lieu de rencontre des différentes cultures européennes, est en particulier fort sensible à l’influence artistique italienne.


- En Bohême, Maître Théodoric, influencé par la sculpture, peint en 1367 les fresques du château de Karlštejn, une série de 129 portraits de saints, volumineux, robustes, éloquents et dans lesquels il use d’un clair-obscur aux effets tragiques et puissants :



- Marquées par une atmosphère immatérielle obtenue par le jeu de l'ombre et de la lumière ainsi que des couleurs éclatantes, les scènes de la Passion du Maître de Trěboň (v. 1380, musée de Prague) sont un chef-d’œuvre de  la Bohème méridionale ; elles reflètent un mysticisme lyrique :


  • Le corps du Christ ressuscité est fin, frêle et gracieux, ses gestes sont recherchés, délicats, sa tunique dessine des volutes élégantes.

  • Par contraste avec la nature ombragée - dont les feuillages sont emplis d’oiseaux, sa peau blanche semble irradier de la lumière. Sa figure en devient aérienne et donne un éclat particulier à sa tunique écarlate comme à son auréole et à sa bannière.

  • L’éclairage met encore en relief l’imposant sépulcre de pierre, placé de biais dans la composition ; ce qui souligne le caractère fruste et brutal des soldats.

  • Le ciel rouge parsemé d’étoiles d’or, contribue à donner au tableau un caractère visionnaire.

Remarquable coloriste, le peintre de ce panneau exalte sa vision mystique par l’emploi d’un rouge vibrant.



Lombardie

  • Giovannino de’ Grassi
  • Michelino da Besozzo


Vers 1380 Gian Galeazzo Visconti fait commencer la décoration d’une importante série de manuscrits destinés à la bibliothèque du château de Pavie : livres d’heures, classiques latins, romans de chevalerie français, encyclopédies botaniques et zoologiques...

Caractéristiques :

  • observation de la réalité quotidienne, du paysage, du monde animal et du monde végétal,

  • nouvelle technique, emploi délicat du clair-obscur.


- Giovannino de’ Grassi enlumina notamment un Livre d’heures pour Gian Galeazzo (1395, Milan, bibl. Visconti) :



Il laissa également un carnet de dessins (Bergame, Accad. Carrara), études d’animaux domestiques et exotiques extrêmement pénétrantes et d’une haute qualité technique, probablement destinées à servir de modèles pour ses miniatures :


L’alphabet de Giovannino de Grassi s’étend sur cinq pages. Le maître réalisa les lettres gothiques en y intégrant des musiciens et des anges apparaissant côte à côte avec toutes sortes d’animaux extrêmement réalistes :



Giovanni de’ Grassi intègre dans cette figure de musicienne l’élégance du Gothique international. Le drapé extravagant, aux plis très décoratifs, produit le même effet que les étranges doigts qui s’accrochent sur les cordes de la harpe.



- Michelino da Besozzo, actif de 1388 à 1430 env., de culture internationale et doté d’une rare subtilité poétique, est le plus important représentant de la miniature lombarde.


Livre d’heures (Genève, bibl. Bodmer)

Mariage mystique de sainte Catherine, 1420, (Sienne P. N.)


Les rapports étroits que Gian Galeazzo entretenait avec la France facilitaient les échanges entre art français et italien.




Domaine franco-flamand

  • Jean Bondol de Bruges
  • Jean de Beaumetz
  • Jean Malouel
  • Melchior Broederlam
  • Oeuvre : le Parement de Narbonne


Influence lombarde et observation de la nature sont caractéristiques de la miniature et des retables franco-flamands du début du XVe s.

Dans les dernières décennies du XIVe s., Charles IV à Paris, les ducs de Berry et de Bourgogne, ainsi que le duc Louis d’Orléans attirent des artistes flamands à leurs cours.


- Entre 1375 et 1381, Jean Bondol de Bruges prépare à Paris les dessins pour la tapisserie de l’Apocalypse (Angers, musée des Tapisseries).

Réalisé en laine, la tenture mesure actuellement 103 mètres de long sur 4,5 mètres de haut en moyenne. Ces dimensions qui paraissent exceptionnelles correspondent cependant à une œuvre amputée (elle mesurait plus de 140 mètres de long). C’est la plus complète et la plus remarquable illustration de l’Apocalypse que nous ait légué l’art français du Moyen Âge.



La chute de Babylone


La nouvelle Jérusalem


- Vers 1375, Jean de Beaumetz, avec ses aides, peint 24 panneaux pour la Chartreuse de Champmol, dont il reste 2 exemplaires (Louvre et musée de Cleveland). L’ancienne Chartreuse de Champmol était un monastère de l’ordre des Chartreux. Fondé en 1377 près de Dijon (Bourgogne) par les ducs de Bourgogne de la famille des Valois, il fut supprimé lors de la révolution française.


Christ en croix avec un chartreux en prière, vers 1390.

Peinture au lyrisme délicat, témoignage de l’« art aristocratique » de son époque et de la splendeur du mécénat bourguignon.


- Jean Malouel, en 1396, travaille au service de Philippe le Hardi.


La Piéta qu’il réalise pour Philippe le Hardi serait le premier tondo de l’histoire de la peinture.


- Melchior Broederlam en 1395 peint 2 volets (musée de Dijon) pour un retable de la chartreuse de Champmol. L’architecture, en ’maison de poupée’ à l’espace profond et aux murs éventrés, laisse voir la  Présentation au Temple et l’Annonciation :

Vision colorée, profonde et féérique aux montagnes fantastiques. L’élégant manteau bleu foncé de la Vierge, le mouvement maniéré de l’ange, la distinction courtoise de la Visitation sont juxtaposés à d’autres détails méticuleusement observés.

Il y a un lien étroit entre retables et enluminures : même combinaison d’observations naturalistes des détails et de fluidité des formes, même souci de construire par la couleur et le clair-obscur une image convaincante de l’espace et une atmosphère visionnaire.

Ces peintres d’origine flamande affinèrent sans doute leur réalisme "bourgeois" au contact du goût aristocratique et des manières courtoises des peintres français d’alors.


- Une œuvre importante, le Parement de Narbonne (v. 1375, Louvre), permet d’avoir une idée du goût français de l’époque, exclusivement fondé sur un jeu linéaire infiniment raffiné.

Ornement d’autel acquis à Narbonne par Boilly, cette grisaille sur soie porte sur sa bordure fictive l’initiale K, pour Karolus, dans des médaillons : elle indique le commanditaire, Charles V. Agenouillés, en prière, roi et reine se trouvent de chaque côté de la scène principale et centrale, une Crucifixion. Point de départ d’un style et d’une tradition françaises, le Parement est le seul objet de ce type conservé.


Paris

Le Maître des Heures de Rohan (Paris, B. N.), émotif et passionné, peut-être d’origine catalane, passé en 1416 au service d’Isabelle d’Aragon.


Le Maître des Heures de Bedford (British Museum)


Le Maître des Heures du maréchal de Boucicaut (Paris, musée Jacquemart-A ndr é).